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« The Listening Post » : Un projet Rédemptoriste au cœur de Terre-Neuve

Anne Walsh, LMMHR

2 Feb 2025

La Constitution 8 des Constitutions et Statuts Rédemptoristes nous rappelle que nous proclamons la Bonne Nouvelle par le témoignage de nos vies aussi bien que par des moyens explicites.

« The Pantry » est le nom de la banque alimentaire communautaire gérée par la Société Saint-Vincent-de-Paul dans le sous-sol de l’ancien presbytère de la paroisse St. John’s. C’est un endroit très animé, où les bénévoles préparent des paniers de nourriture grâce auxquels les personnes et les familles dans le besoin sont nourries dans leur corps et dans leur esprit.


Il y a quelques années, l’équipe de formation à la foi des adultes a mis en place un « Listening Post » pour compléter les services offerts par la société Saint-Vincent-de-Paul. En attendant qu’on leur apporte leur panier, les gens se voient offrir une tasse de café chaud, une collation et une oreille attentive. Il y a bien des façons de réchauffer un cœur humain, et « The Listening Post » est devenu un service d’approche Rédemptoriste (RAFFT) où les gens peuvent venir et être entendus sans jugement, sans préjugé, avec compassion et patience.


Le plus souvent, les histoires que nous entendons au « The Listening Post » portent de la lutte pour la dignité humaine, qui est le cri du cœur de l’homme lorsqu’il est confronté à la pauvreté. Les parents nous parlent de leurs difficultés à élever leurs enfants confrontés à des ressources financières insuffisantes. Les couples parlent de la pression que la pauvreté fait peser sur les relations. Des adultes, hommes et femmes, nous parlent de leurs difficultés à s’orienter dans le filet de sécurité sociale. Les bénévoles qui livrent des paniers de nourriture aux personnes âgées et aux personnes confinées à la maison nous parlent des personnes âgées qui luttent pour rester chez elles, en gardant une pièce au chaud, et qui ont des difficultés à accéder à de la nourriture ou à un soutien suffisants.


Le nombre de néo-Canadiens contraints d’avoir recours aux banques alimentaires et à d’autres services similaires alors qu’ils s’adaptent à la vie dans un nouveau pays, souvent dans une nouvelle langue et toujours avec de nouvelles coutumes, donne à réfléchir et souvent, brise le coeur.


Il y a quelques semaines, j’ai été confrontée de plein fouet à cette réalité. Dès que j’ai ouvert la porte de The Pantry, j’ai entendu des gémissements, forts, incessants et perçants. Il était évident que la femme devant moi ne parlait pas anglais et il était difficile de comprendre ce qui se passait. Les volontaires avaient déjà essayé de la calmer, en vain. Dans sa main, elle agitait un morceau de papier sur lequel étaient imprimés les noms et adresses de toutes les banques alimentaires de la ville de St John’s.


Le nom de notre banque alimentaire avait été surligné pour elle, mais il était clair, d’après son identification, qu’elle vivait en dehors de notre zone de service. Elle a continué à gémir et à se frapper le visage et le haut du corps en signe de désespoir. Parfois, elle s’affaissait sur le sol et ne se relevait que difficilement, en s’appuyant sur une canne.


Les volontaires ne savaient pas du tout quoi faire.


J’ai essayé de comprendre d’où elle venait, afin de savoir au moins quelle langue pourrait parler à son cœur. Elle a compris ma question, même si sa compréhension de l’anglais n’était pas bonne, et j’ai fini par comprendre sa réponse. Elle s’appelait Liele. Elle venait d’Afghanistan et était au Canada depuis octobre.


Forte de ces informations, je l’ai assise sur une chaise, j’ai séché ses larmes, je lui ai offert une tasse de café et j’ai téléphoné à l’Association pour les nouveaux Canadiens. La personne qui a pris mon appel et entendu mon histoire parlait arabe ! J’ai pu le mettre sur haut-parleur et il a traduit pour moi et pour Leila. Peu à peu, elle a commencé à se calmer. Elle a cessé de pleurer. Elle a cessé de se frapper. Et une histoire a commencé à émerger avec l’aide d’un iPhone et d’un merveilleux interprète nommé Mustafa.


Leile était professeur de danse en Afghanistan. Avec la récente résurgence des talibans, elle et d’autres femmes travaillant dans l’éducation et les arts ont été prises pour cibles. Les Talibans ont fait irruption dans son studio de danse et, à l’aide d’un couteau, ont coupé les tendons de ses chevilles, de sorte qu’elle ne pourrait plus jamais danser. C’est du moins ce qu’ils pensaient. Une agence d’aide internationale a trouvé un moyen de quitter le pays pour Leile et d’autres femmes. Elles ont été emmenées dans un refuge au Bangladesh, puis au Canada.


Avec l’interprète, nous avons trouvé la banque alimentaire la plus proche de Leile, puis les bénévoles de The Pantry lui ont donné un panier d’urgence pour lui permettre de tenir les quelques jours suivants, jusqu’à ce qu’elle puisse se rendre à l’endroit adéquat.


Et quelle a été la réponse de Leile ? Elle a dansé sa gratitude. Ne pouvant plus se tenir debout et bouger ses jambes comme avant, elle s’est assise sur le sol, a mis de la musique afghane sur son iPhone et a dansé magnifiquement avec le haut de son corps et ses bras. C’était hypnotique et une belle expression de la résilience de l’esprit humain.


La Constitution 8 des Constitutions et Statuts Rédemptoristes nous rappelle que nous proclamons la Bonne Nouvelle par le témoignage de nos vies aussi bien que par des moyens explicites. C’est exactement ce dont il s’agit au Point d’écoute. Les personnes qui se trouvent étrangères dans un lieu inconnu, seules, en difficulté ou en questionnement, se voient offrir une oreille attentive et une expérience d’accompagnement.


Leile a découvert ce jour-là que le monde pouvait être un peu moins froid et beaucoup plus amical que ce qu’elle avait connu jusqu’alors. En retour, elle nous a fait don de sa danse, jaillissant d’un cœur qui ne s’est pas laissé décourager par ses défis précédents, littéralement « Ensanglantée mais pas brisée ». Quel cadeau !

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